Derniers coups de ❤️ …

Roman, nouvelles, essai, expo : envie de partager quelques découvertes enthousiasmantes faites récemment…

« Les Hauts de Hurle-vent » (« Wuthering heights ») d’Emily Brontë est une lecture qui secoue. Les personnages de ce roman sont inoubliables. Leurs sentiments sont exacerbés ; tous, pratiquement, frôlent la folie. Une grande violence parcourt le livre de bout en bout. On pense aux tragédies shakespeariennes, à leur lyrisme, à leur noirceur.

Les nouvelles et contes de l’écrivain argentin Julio Cortázar sont une autre très belle découverte. La collection Quarto chez Gallimard permet de plonger dans l’oeuvre foisonnante de cet auteur. Elle s’inscrit dans une tradition, celle du réalisme magique. Ses histoires sont inquiétantes, mystérieuses, pleine d’invention, magnifiquement construites.

Le livre de Jean-Christophe Bailly, malicieusement intitulé « Paris quand même » est un régal. L’auteur partage sa vision de la capitale, ville qu’il adore par dessus tout. Il promène le lecteur dans les quartiers qu’il connaît bien, parfois méconnus du grand public, constate les évolutions récentes en terme d’architecture, d’aménagement… Quelques coups de griffes parsèment le livre (à l’encontre de la mairie, d’hommes d’affaires connus qui s’accaparent le patrimoine) mais cet essai très personnel est surtout, à mes yeux, une déclaration d’amour érudite et passionnée qui permet de voir Paris sous un autre oeil.

Christian Bobin est un auteur qu’il faut lire et relire. « Ressusciter » contient la dose habituelle de petits miracles littéraires. Par des mots simples, Bobin touche en plein coeur car il fait inlassablement l’éloge de la beauté, de la poésie, du dépouillement… Etre attentif aux choses, aux autres, se débarrasser du superflu pour s’ouvrir à la vie véritable. Ses livres sont courts mais tellement remplis !

Une très belle exposition a lieu en ce moment à la Maison Européenne de la Photographie (jusqu’au 21 mai 2023). Elle est consacrée à la photographe sud-africaine Zanele Muholi. Militante, elle réalise depuis des années de nombreux clichés qui documentent la vie des personnes noires et LGBTQIA+ de son pays. La rétrospective est passionnante.

Envies de lecture : Les éclats / La petite-fille

Deux livres, sortis tout récemment, me font très envie. Les nouveaux romans de Bret Easton Ellis « Les éclats » et de Bernhard Schlink « La petite-fille ».

Bret Easton Ellis est un auteur incontournable de la littérature contemporaine. « Moins que zéro », « Lunar Park », « American psycho » sont quasiment devenus des classiques. Un nouveau roman de l’écrivain californien est forcément un événement. Ses ouvrages fascinent, irritent, révulsent… Sans être un spécialiste, je crois que cet écrivain a su capter quelque chose du mal qui ronge les sociétés occidentales. Ses thèmes favoris : la vacuité, la violence, l’égoïsme… Son dernier livre « Les éclats » met en scène un personnage du nom de Bret, qui au début des années 80, se passionne pour l’écriture. Il rédige un roman intitulé « Moins que zéro »… Comme dans « Lunar Park », l’auteur semble jouer la carte de la vraie-fausse autobiographie. Cela m’intrigue…

« Le liseur » de Bernhard Shlink est un roman magnifique dont je conseille vivement la lecture. J’ai entendu beaucoup de bien de son nouveau livre « La petite-fille ». Kaspar est libraire à Berlin. Il découvre tardivement (suite au décès de son épouse) qu’une partie de sa famille lui est inconnue. En effet, sa femme avait abandonné un enfant en RDA avant de passer à l’ouest. Il tente de renouer le fil et fait ainsi la connaissance de sa fille Svenga et de sa petite fille Sigrund. Difficile de recréer un lien, d’autant plus que le fossé culturel et idéologique est immense… J’imagine que l’auteur explore les blessures et fractures de l’histoire contemporaine de l’Allemagne comme il l’avait fait dans « Le Liseur ». J’espère trouver le temps de me plonger dans ce livre très bientôt.

Les commentaires de celles et ceux qui ont lu l’un ou l’autre de ces livres sont les bienvenus !

Vivre de mes rêves. Lettres d’une vie / La solitude Caravage

Deux lectures, très différentes, font mon bonheur en ce moment. La correspondance d’Anton Tchekhov réunie dans un très bel ouvrage joliment intitulé « Vivre de mes rêves. Lettres d’une vie » (Editions Robert Laffont) et une biographie (ou essai biographique) du Caravage par Yannick Haenel (Editions Fayard).

Anton Tchekhov écrivit un nombre incalculable de lettres tout au long de sa vie. Il s’adresse à sa famille, à ses amis, à ses contacts professionnels… Le lecteur découvre mille et un détails de la vie du jeune médecin dont la vocation littéraire s’affirme d’années en années. Tchekhov est un homme drôle, facétieux, moqueur, exigeant… C’est aussi la vie quotidienne en Russie qui est décrite en filigrane : les séjours à la campagne, les voyages en train, les rites religieux,… L’univers de l’écrivain, qui est passé à la postérité, transparaît dans quasiment chaque lettre. On y découvre aussi la description de nombreux personnages hauts en couleur qui ont sûrement été une source d’inspiration pour le dramaturge.

Yannick Haenel est un auteur que j’adore. Le livre « La solitude Caravage », qu’il a fait paraître en 2019, est un petit bijou. Il y décrit sa passion dévorante pour l’œuvre du grand peintre italien. Cette passion naît à l’adolescence, période pendant laquelle le jeune Yannick se morfond dans un pensionnat sinistre. Il se réfugie dans les livres et découvre un jour la beauté vénéneuse d’une femme peinte au XVIè siècle par Le Caravage. Il s’agit d’une figure biblique, celle de Judith. Cette image l’ensorcelle, lui fait connaître ses premiers émois érotiques. Dans de courts et passionnants chapitres, l’auteur tente de percer les secrets du génie. Yannick Haenel sait merveilleusement partager l’amour qu’il porte à ce peintre en quête d’absolu. La vie incroyablement romanesque du Caravage (plusieurs fois emprisonné, courtisé par les plus grands princes de son époque…) est passionnante mais c’est surtout la force de son art qui est mise en avant. L’auteur nous offre une réflexion captivante sur l’acte de création.

Le déversoir. Poèmes minute / Croire. Sur les pouvoirs de la littérature

Arthur Teboul et Justine Augier croient au pouvoir des mots, à la puissance des récits, à l’importance des écrivains dans notre société et dans notre vie intime… Ils croient tous les deux que la littérature peut changer le cours des choses, s’inscrire dans une forme d’éternité, toucher à l’universel. Les lire aujourd’hui donne du baume au coeur. La littérature a encore de beaux jours devant elle si elle continue d’être défendue par des personnes aussi passionnées…

Le projet d’Arthur Teboul s’inscrit dans la lignée du travail mis en place jadis par les surréalistes : l’écriture automatique de poèmes, sans but, sans intention, libérée de toutes contraintes et d’esprit de sérieux. C’est dans le métro parisien, qu’un jour, le jeune auteur lâche les chevaux. Un mot écrit sur un carnet, associé à un autre. Nom commun, adjectif, verbe, complément… Les phrases inattendues se forment, pleines de surprise. Se constitue petit à petit, au fil des mois, un ensemble de « poèmes minutes » réunis aujourd’hui en un recueil intitulé « Le déversoir ». Arthur Teboul conçoit la poésie comme un contre-pouvoir, comme un art émancipateur et subversif. Les poèmes ici réunis ont pour but de donner envie de poésie, de lire ou d’écrire soi-même des poèmes. Le besoin de poésie est en chacun de nous : ouvrons les yeux, laissons notre esprit vagabonder, changeons de regard sur les choses… Un pas de côté qui fait du bien.

Le livre de Justine Augier est singulier. C’est un hommage très émouvant à sa mère (Marielle de Sarnez) disparue en 2020 d’une leucémie. C’est aussi une ode à la littérature, à la place des livres dans nos existences. De nombreux écrivains ont marqué celle de Justine Augier. Elle les cite abondamment (Camus, Ernaux, Carrère, Beauvoir, Gary,…), fait référence aux livres conseillés par sa mère, raconte aussi comment elle s’est forgée une culture littéraire personnelle, choisie. L’épreuve du deuil est évidemment difficile et dans les livres, elle cherche des réponses… Car les livres consolent, font grandir, peuvent aider à surmonter des épreuves. La lecture a aussi un sens politique : elle éduque au silence, à l’écoute, à la prise en compte de l’expérience d’autres que soi. Justine Augier a pendant longtemps vécu à l’étranger (notamment en Afghanistan), s’est beaucoup intéressée à la guerre en Syrie. Ce livre lui permet aussi de rendre un vibrant hommage aux opposants politiques qui se sont battus avec courage contre le régime de El Assad. Ecrire est pour Justine Augier un moyen de faire en sorte que les combattants de la liberté, et leurs souffrances, ne soient pas oubliés.

La plus que vive

Christian Bobin a disparu le 23 novembre 2022. Lire aujourd’hui « La plus que vive » (paru en 1999) est assez bouleversant car la mort (et la vie) est le sujet principal de ce livre. En un peu plus de 100 pages, l’auteur nous parle, avec une grande sensibilité, de Ghislaine, une amie très proche décédée brutalement en 1995 à seulement 44 ans. L’hommage rendu est absolument magnifique. Il est destiné aux trois enfants de Ghislaine, Hélène, Clémence et Gaël, que l’auteur connaît bien. En s’adressant à eux, en posant sur le papier des mots d’une beauté folle, Christian Bobin soigne aussi, semble t-il, la terrible blessure que représente la perte d’une amie chère. C’est passionnant de voir, pages après pages l’auteur tenter de décrire avec le plus d’honnêteté possible le lien qui les unissait. Les leçons de vie qu’il a apprises à son contact sont toujours ancrées en lui, vivantes, indestructibles. L’auteur ne parle d’ailleurs pas de Ghislaine au passé…

Difficile de parler de ce livre poignant que je vais lire et relire sans aucun doute. J’ai envie de découvrir toute l’œuvre de Bobin qui a consacré sa vie aux mots, à la recherche de la justesse et de la beauté.

« Printemps 1951, je viens au monde et je commence à dormir. Automne 1979, je te rencontre et je m’éveille. Eté 1995, je me découvre sans emploi, transi de froid. Mon emploi, c’était de te regarder et de t’aimer. Un vrai travail, à temps plein. Pendant seize ans j’étais le plus occupé de hommes : assis dans l’ombre, je te regardais danser sur les chemins. »

Révolution, I : Liberté

Peut-être ma dernière lecture de 2022, mais quelle lecture ! « Révolution » du duo Grouazel et Locard est un bijou. Avec une grande virtuosité, les auteurs prennent à bras le corps un sujet complexe maintes fois traité : La Révolution Française. 1789-1799 : époque intense pour la France qui voit en quelques mois s’effondrer un système politique, économique et social vieux de plusieurs siècles. Les idées circulent, les événements se succèdent à un rythme effréné, la violence est omniprésente. Pas facile de rendre tout cela intelligible mais le défi est ici largement relevé.

Dans ce premier tome, le lecteur est plongé dans l’atmosphère insurrectionnelle qui entoure la convocation des Etats Généraux à Versailles par le Roi. Paris est alors le théâtre de d’évènements qui vont tout changer… Le récit est passionnant de bout en bout. Les grands noms qu’ont retenu les livres d’Histoire sont, bien sûr, présents (Necker, Mirabeau, Marat, Barnave,…) mais c’est par le prisme de la fiction que nous est racontée cette Révolution. La galerie de personnages inventée par les deux auteurs est vraiment intéressante (un député breton du Tiers Etat, un journaliste monarchiste, deux jeunes personnes livrées à elles-mêmes…). Petite et grande Histoires se mêlent de façon harmonieuse et haletante.

Que dire du travail graphique qui est vraiment superbe ? « Révolution » est un plaisir de lecture à tous les niveaux. On apprend beaucoup de choses et on est admiratif du sens du détail des deux auteurs. Un beau et grand travail à découvrir d’urgence ! Et très bonne nouvelle : le deuxième tome sort en janvier 2023 !

Despentes, Haenel, Adimi, Rosenthal

Quatre romans ont marqué ma rentrée : une petite déception, un coup de coeur, une belle découverte et un énorme coup de coeur…

J’avais hâte de découvrir « Cher connard » , le nouveau roman de Virginie Despentes. Après la brillante trilogie « Vernon Subutex », on retrouve le style inimitable de l’auteure (nerveux, provocateur) et un regard fin et nuancé sur les travers de notre époque. Où en sont les relations homme-femme en 2022 ? Qu’est ce que le féminisme aujourd’hui ? Le roman apporte pas mal de réponses. Rien de caricatural dans le portrait que donne Despentes d’Oscar, un homme accusé de harcèlement par une jeune femme appelée Zoé, qui elle, choisit de parler de ce qui lui est arrivé sur Internet. Les personnages avancent, réfléchissent à leurs actes… C’est intéressant. J’ai aimé ce livre sans être totalement convaincu. Despentes a évidemment du talent mais j’aurais aimé être davantage surpris.

« Le Trésorier-payeur » de Yannick Haenel est un bijou. J’ai lu ce livre avec énormément de plaisir car l’auteur nous offre une histoire surprenante (voire improbable), truffée de références littéraires et philosophiques. Le style est superbe. Quel bonheur de lire un roman si bien écrit et si profond sur tout un tas de sujets (le sens de la vie, l’amour, le sexe…). L’auteur brouille les pistes, sait mettre la bonne dose d’humour et d’ironie afin de ne pas alourdir son propos. Ce personnage de banquier anarchiste est vraiment marquant ! Un extrait : « Chacun mène comme il le peut le mystère de sa propre existence ; notre blessure s’apaise ou s’infecte, selon la manière dont nous considérons notre âme. Mais il arrive un moment où chacun de nous parvient à se cacher non plus dans l’obscurité, mais dans la lumière, et il ne faut pas rater ce rendez-vous.« 

« Au vent mauvais » est un roman émouvant. Kaouther Adimi nous parle successivement, avec des ellipses, de l’Algérie du temps de la colonisation, de l’Algérie du temps de la guerre et de l’Algérie du temps de l’indépendance. Ses héros s’appellent Tarek, Leïla, Saïd. Ils grandissent dans un petit village loin de tout, insouciants. Les trajectoires vont toutefois être radicalement différentes pour les uns et pour les autres. Saïd est envoyé par ses parents en Tunisie où il fait de brillantes études. Il deviendra un écrivain de renom. Tarek, lui, est berger. Il reste fidèle à sa terre d’origine et tombe amoureux de Leïla. Cette dernière, mariée de force très jeune, fait le choix courageux de briser les us et coutumes en décidant de retrouver sa liberté. Elle en subira douloureusement les conséquences… Le roman se concentre sur le destin étonnant de Tarek. Après la guerre et l’indépendance, il va en France pour gagner de l’argent et nourrir sa famille. Malgré la dureté de la vie en foyer Sonacotra, il apprécie, par certains côtés, cette vie solitaire loin de son Algérie natale. Kaouther Adimi évoque avec une grande justesse cette génération d’hommes, souvent taiseux, marqués par les souvenirs douloureux de l’époque coloniale et de la guerre.

« Un singe à ma fenêtre » d’Olivia Rosenthal est le livre qui m’a le plus marqué en cette rentrée littéraire. C’est un énorme coup de coeur ! Quel livre étonnant. La narratrice se rend au Japon pour enquêter sur le souvenir traumatique de l’attentat au gaz sarin qui a eu lieu dans le métro de Tokyo en 1995. Plus de 25 ans après les faits, elle interroge un nombre considérable de personnes. Quelles traces a laissé cet événement dans la mémoire collective ? Dans la mémoire de chacun ? La télévision avait, à l’époque, produit des images qui ont marqué les esprits. Certains témoins évoquent une forme d’indifférence, d’autres se souviennent d’avoir connu des membres de la secte Aum dont le fondateur a commandité l’attentat. Ils se rappellent à quel point le discours apocalyptique tenu par cette organisation avait fait de nombreux adeptes. La narratrice évoque, en creux, une société japonaises travaillée par ses névroses, dans laquelle il est très difficile d’oser dire les choses, d’affronter le réel. Tout au long du livre, de nombreuses questions sans réponses sont posées. Le lecteur est invité, lui aussi, à s’interroger sur les notions de secret, de non-dit, sur les thèmes de l’absence et de la disparition. C’est, au final, bouleversant.

Rentrée littéraire 2022 : deux histoires londoniennes

Open Water de Caleb Azumah Nelson, Editions Denoël (Traduction : Carine Chichereau)

Dernière nuit à Soho de Fiona Mozley, Editions Joëlle Losfeld (Traduction : Laeticia Devaux)

Deux romans, parus en 2021 au Royaume-Uni, ont été traduits et édités à l’occasion de la rentrée littéraire française. J’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir le travail de Caleb Azumah Nelson et de Fiona Mozley, deux jeunes écrivains britanniques pleins d’avenir. « Open Water » et « Dernière nuit à Soho » sont deux livres assez différents. Leur point commun est de mettre merveilleusement en valeur la capitale anglaise. Londres est une ville-monde, trépidante, en permanente évolution qui, malgré tous les changements, conserve un charme unique que les deux romans décrivent avec subtilité.

« Open water » est un premier roman. Difficile de ne pas être impressionné par la forme originale que l’auteur donne à son texte dans lequel le personnage principal, dont on ne connaît pas le nom, est désigné par le pronom personnel « tu ». Le roman nous parle de la naissance d’une histoire amour entre un homme et une femme, tous les deux noirs, jeunes adultes, passionnés par l’art (lui par la photo, elle par la danse). Ils sont intégrés à la vie londonienne, sortent beaucoup et c’est lors d’une soirée dans un pub que la rencontre a lieu. Lui est célibataire alors qu’elle est en couple. Petit à petit, un lien se crée. L’auteur décrit avec beaucoup de sensibilité les différentes étapes qui amènent ces deux personnages à s’apprivoiser, à se rapprocher émotionnellement et physiquement. Une passion des unit : la musique. Le blues, le jazz, le rap sont omniprésents dans leur vie et beaucoup de morceaux ou chansons, cités par l’auteur, font écho à leur émois, à leurs doutes, à leurs peurs intimes… « Open Water » aborde aussi frontalement la question du racisme. Etre noir, et donc faire partie d’une minorité, pose toujours question de nos jours, même dans une grande capitale européenne. L’inquiétude s’immisce très facilement face aux violences de certains policiers. L’injustice d’être jugé à cause de sa couleur de peau est source, encore aujourd’hui, de beaucoup d’incompréhension et de souffrance.

« Dernière nuit à Soho » est ce qu’on appelle un roman choral. Fiona Mozley crée une galerie de personnages liés les uns autres par des liens plus ou moins proches. Precious, Agatha, Robert, Lorenzo, Bastian, Glenda, Paul, Debbie… Toutes et tous racontent quelque chose du Londres d’aujourd’hui. Un immeuble situé à Soho, quartier historique de la capitale, est au coeur de l’intrigue. Il appartient à une jeune et riche héritière qui entend bien chasser, par tous les moyens, les prostituées qui y vivent et qui y travaillent. L’appât du gain est irrésistible et ce que l’on appelle la gentrification des quartiers populaires est l’une des thématiques abordée par l’autrice. Les intérêts des uns et des autres divergent. Le roman décrit par exemple le parcours atypique de Precious qui a choisi de devenir prostituée pour survivre dans une ville où il est si facile de tomber dans la pauvreté. Elle est heureuse de vivre dans un immeuble où la solidarité veut dire encore quelque chose. Le pub est un autre lieu incontournable dans lequel beaucoup de choses se passent. Riches et pauvres s’y côtoient parfois. Fiona Mozley parle avec justesse et tendresse de la vie de tous ces personnages issus de milieux sociaux différents. Elle tisse de chapitres en chapitres une histoire addictive, jusqu’à un dénouement surprenant. Un coup de coeur de la rentrée !

Rentrée littéraire 2022 : premiers repérages !

Quelques titres de romans de la rentrée littéraire, repérés ici et là, m’intriguent. J’ai envie de les découvrir, en espérant être charmé et surpris (si j’ai le temps de les lire !) :

J’aimerais tout d’abord évoquer quatre auteurs que je ne connais pas encore : Gaëlle Josse, Caleb Azumah Nelson, Alexis Ragougneau, Mathieu Belezi :

-Dans « La nuit des pères« , Gaëlle Josse aborde le thème de la relation père-fille. Isabelle rejoint son frère Olivier dans le village des Alpes qui les a vus naître. La santé de leur père est déclinante. Après de nombreuses années sans se voir ni se parler, c’est peut-être la dernière chance pour Isabelle de comprendre ce père si peu aimant. Les souffrances tues pendant des années pourront-elles enfin être exprimées ?

-« Open water » est un premier roman. A Londres, deux jeunes gens tentent de vivre de leur passion : lui veut percer dans la photographie, elle est déjà danseuse. Ils sont noirs et doivent composer avec un racisme insidieux. Je pense à Zadie Smith ou à Chimamanda Ngozy Adichie, deux auteures que j’aime beaucoup…

-« Palimpseste » d’Alexis Ragougneau est une dystopie. Selon l’éditeur, le livre « est un hommage vibrant au pouvoir de la littérature et à l’audace de la création. ». Cela donne très envie.

-« Attaquer la terre et le soleil » est un très beau titre. Il s’agit du nouveau roman de Mathieu Belezi. Il y est question de la colonisation de l’Algérie. C’est le sujet de prédilection de cet auteur qui a déjà publié plusieurs romans sur cette page d’Histoire qu’il me semble important de mieux connaître.

Deux autres écrivains retiennent aussi mon attention. Ils font partie du paysage littéraire depuis de nombreuses années et je suis curieux de découvrir leur nouvelle création :

-J’ai dévoré avec beaucoup de plaisir les trois tomes de « Vernon Subutex ». Il me tarde donc de découvrir le nouveau roman de Virginie Despentes intitulé « Cher connard » . J’admire le talent de cette autrice unique en son genre… J’espère être convaincu une nouvelle fois.

-Yannick Haenel est un auteur lui aussi très intéressant, au style remarquable. J’avais adoré son « Jan Karski » (un peu moins « Tiens ferme ta couronne » ). « Le Trésorier-payeur » est le titre du roman qu’il publie en cette rentrée littéraire 2022. Le héros s’appelle Georges Bataille. Il est banquier et secrètement anarchiste. En lui, quelque chose d’irréductible qui le pousse vers une forme d’absolu…

Et vous, vos envies, vos attentes… ?

Héroïnes de juillet

Blackwater, Tome 1 : La crue de Michael McDowell, Monsieur Toussaint Louverture

La vie mensongère des adultes d’Elena Ferrante, Gallimard / Folio

Anne de Green Gables de Lucy Maud Montgomery, Monsieur Toussaint Louverture

Elinor, Giovanna et Anne Shirley : trois héroïnes qui ont marqué mon début d’été.

« Blackwater » est une saga littéraire dont on parle beaucoup en ce moment dans la blogosphère et dans la presse spécialisée. L’éditeur Monsieur Toussaint Louverture propose aux lecteurs français de la découvrir en six tomes magnifiquement illustrés. Cette histoire a été écrite dans les années 80 par Michael McDowell, auteur et scénariste américain de renom qui a travaillé notamment avec Stephen King. L’histoire se déroule au lendemain de la Première Guerre Mondiale en Alabama. Les premières pages du roman décrivent l’immense crue qui frappe les habitants de la petite ville de Perdido. Tout est submergé et le canot est devenu le seul moyen de locomotion. Dans un hôtel inondé, deux hommes découvrent une femme esseulée qui semble attendre depuis longtemps qu’on lui vienne en aide. Elle s’appelle Elinor Dammert. C’est un personnage étonnant qui sait garder jalousement ses secrets et dont l’influence sur Perdido et ses habitants va être majeur…. Mystère et fantastique sont au programme de ce premier tome dans lequel l’auteur distille le suspense de façon subtile et efficace.

Quel plaisir de retrouver la plume alerte d’Elena Ferrante avec « La vie mensongère des adultes ». Comme dans « L’amie prodigieuse », tout ou presque se déroule à Naples. L’héroïne Giovanna nous fait part de ses tourments d’adolescente : le divorce de ses parents, ses complexes physiques, son attirance nouvelle pour les garçons… Beaucoup de choses changent dans sa vie le jour où elle décide de fréquenter sa tante Vittoria avec qui son père est en conflit depuis des années. Ce personnage est haut en couleur, d’une violence inouïe dans ses propos mais étrangement aimante et attachante par certains côtés. Giovanna découvre par son intermédiaire une partie de Naples qui lui était inconnue, élargit son cercle d’amis… Elena Ferrante nous régale, comme à chaque fois, car elle sait donner beaucoup de profondeur à ses personnages. Avec beaucoup de finesse, elle décrit leurs faiblesses et leurs doutes mais aussi leur incroyable force. Giovanna s’interroge beaucoup sur son existence mais semble aussi très bien savoir ce qu’elle veut…

« Anne de Green Gables » est un roman pour la jeunesse écrit par Lucy Maud Montgomery dans les années 1920. C’est le premier tome d’une saga retraduite et rééditée dernièrement par les éditions Monsieur Toussaint Louverture. Anne Shirley est une orpheline d’une douzaine d’années adoptée par Marilla et son frère Matthew. Green Gables est le nom du domaine agricole dont ils s’occupent depuis des années. L’arrivée d’Anne bouleverse les habitudes, apporte un souffle nouveau. Un temps d’adaptation est nécessaire mais la jeune fille trouve très vite sa place. La nature qui l’entoure est une source de joie inépuisable. Le lecteur s’attache très rapidement à ce personnage à l’imagination débordante. Anne est bavarde, s’exprime avec de très jolis mots. Elle est touchante car, après une première partie de vie difficile et triste, elle semble avoir conserver intacte sa curiosité et sa vision poétique de l’existence.