
Du 9 juin au 2 juillet, dans un joli théâtre de Pantin, se joue « La Mouette » d’Anton Tchekhov. Nina, Tréplev, Arkadina, Sorine, Trigorine, Chamraïev, Paulina, Dorn, Macha, Medvedenko et Yakov vous attendent… Je suis le maître d’école.

Du 9 juin au 2 juillet, dans un joli théâtre de Pantin, se joue « La Mouette » d’Anton Tchekhov. Nina, Tréplev, Arkadina, Sorine, Trigorine, Chamraïev, Paulina, Dorn, Macha, Medvedenko et Yakov vous attendent… Je suis le maître d’école.
Christian Bobin a disparu le 23 novembre 2022. Lire aujourd’hui « La plus que vive » (paru en 1999) est assez bouleversant car la mort (et la vie) est le sujet principal de ce livre. En un peu plus de 100 pages, l’auteur nous parle, avec une grande sensibilité, de Ghislaine, une amie très proche décédée brutalement en 1995 à seulement 44 ans. L’hommage rendu est absolument magnifique. Il est destiné aux trois enfants de Ghislaine, Hélène, Clémence et Gaël, que l’auteur connaît bien. En s’adressant à eux, en posant sur le papier des mots d’une beauté folle, Christian Bobin soigne aussi, semble t-il, la terrible blessure que représente la perte d’une amie chère. C’est passionnant de voir, pages après pages l’auteur tenter de décrire avec le plus d’honnêteté possible le lien qui les unissait. Les leçons de vie qu’il a apprises à son contact sont toujours ancrées en lui, vivantes, indestructibles. L’auteur ne parle d’ailleurs pas de Ghislaine au passé…
Difficile de parler de ce livre poignant que je vais lire et relire sans aucun doute. J’ai envie de découvrir toute l’œuvre de Bobin qui a consacré sa vie aux mots, à la recherche de la justesse et de la beauté.
« Printemps 1951, je viens au monde et je commence à dormir. Automne 1979, je te rencontre et je m’éveille. Eté 1995, je me découvre sans emploi, transi de froid. Mon emploi, c’était de te regarder et de t’aimer. Un vrai travail, à temps plein. Pendant seize ans j’étais le plus occupé de hommes : assis dans l’ombre, je te regardais danser sur les chemins. »
Film de Park Chan-Wook
Avec Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo
Date de sortie en France : 29 juin 2022
C’est l’histoire d’un amour impossible que nous raconte brillamment Park Chan-Wook dans son nouveau film « Decision to leave » justement récompensé du Prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes. Pendant plus de deux heures, le réalisateur coréen nous éblouit par sa maîtrise du récit car chaque plan est une prouesse d’inventivité. Le spectateur vit une expérience peu commune : le film est à la fois une enquête policière tortueuse et un drame romantique déchirant. C’est surprenant et assez jouissif.
Une très belle femme, Sore, rentre un jour dans la vie de Hae-joon. Il est policier, elle est suspecte. Sore est en effet soupçonnée d’avoir tué son mari, découvert mort au pied d’une falaise. Sore apparaît comme la coupable idéale : son mari défunt, beaucoup âgé qu’elle, est un homme qui la bat avec beaucoup de violence. Le passé trouble de la jeune femme, chinoise d’origine, pose question et laisse planer beaucoup de doutes… Le policier chevronné mène son enquête de façon traditionnelle : il récupère toutes les informations possibles sur la suspecte n°1, organise des planques… Mais ce qui est différent, c’est l’attirance irrésistible qu’exerce Sore sur Hae-joon. Les frontières, habituellement infranchissables, sont dépassées. Cette attirance et cette proximité nouvelles sont filmées de façon magnifique : Hae-Joon observe Sore dans son quotidien (à son travail, à son domicile) grâce à des jumelles dans sa voiture. Dans le plan suivant, il est à ses côtés, tout proche. On le devine séduit, sous le charme…
Il ne faut pas en dire trop car le film est étonnant. « Decision to leave » est un titre formidable dont on comprend petit à petit toute la portée. Décider de partir, de quitter quelqu’un, quelque chose ? Les derniers plans sont d’une grande beauté. Park-Chan-Wook réalise l’exploit de faire un film visuellement inoubliable et de raconter une histoire pleine de rebondissements mise en scène de façon superbe. L’envie de découvrir ses précédents films (Old Boy, Mademoiselle…) est très forte !
Les Olympiades, film de Jacques Audiard
La Fracture, film de Catherine Corsini
Julie en 12 chapitres, film de Joachim Trier
Trois formidables films ont retenu mon attention ces dernières semaines. Trois films très différents, tant sur le fond que sur la forme, qui délivrent chacun à leur manière un message original. Ils décrivent notre époque de façon intelligente, cette époque marquée par un certain désenchantement, une forme subtile de mélancolie.
« Les Olympiades« est un objet cinématographique d’une grande élégance. Dans ce nouveau film, Jacques Audiard propose un très beau noir et blanc qui sublime les trois personnages principaux interprétés par de jeunes acteurs de grand talent. Julie Zhang, Noémie Merland et Makita Samba crèvent l’écran. Nous sommes à Paris dans le 13ème arrondissement, quartier des Olympiades à l’architecture si particulière. Rencontre, amour, désamour, changement de vie… Les personnages se cherchent, se trompent, apprennent de leurs erreurs… Ils apprennent surtout à aimer malgré la dureté d’une époque qui donne de plus en plus de place aux rencontres sur Internet. Le film est plein de charme et aborde de façon subtile un tas de sujets très intéressants (le harcèlement, l’affirmation de soi, la place des enseignants dans la société…).
« La Fracture » nous parle aussi de façon très forte de la France d’aujourd’hui. L’hôpital est le personnage principal et il ne se porte pas bien. S’y rencontrent les différentes couches de la société. Le personnel soignant, débordé par la charge de travail, tente de faire au mieux pour s’occuper de tous les patients alors même que les blessés affluent du fait des violences policières qui émaillent une manifestation de Gilets Jaunes. Le ton choisi par Catherine Corsini est résolument celui du pamphlet voire de la farce. Bourgeois et prolos se retrouvent face à face et cela fait des étincelles. C’est très drôle et en même temps tragique. Valeria Bruni Tedeschi, en pleine crise de couple car quittée par sa compagne interprétée par Marina Foïs, est irrésistible dans ses exagérations et dans le mépris de classe qu’elle exprime sans vergogne. Elle se retrouve coincée sur un brancard en compagnie d’un Pio Marmaï au bout du rouleau, chauffeur de poids lourd et gilet jaune. L’incompréhension entre ces personnages issus d’univers sociaux opposés est abyssale. La réalisatrice montre, en forçant le trait, à quel point les fractures de la société française sont aujourd’hui loin d’être résolues.
« Julie en 12 chapitres » de Joachim Trier est un film d’une grande originalité et d’une grande sensibilité Le réalisateur norvégien invente le personnage de Julie et nous raconte son entrée dans l’âge adulte et sa vie de jeune femme, en douze chapitres. Qui est Julie ? Difficile à dire car c’est un personnage ambivalent, insatisfait, en recherche permanente d’un idéal, mélancolique. Elle aime et est aimée, mais est-elle comblée ? Parvient-elle à savourer pleinement la joie d’une relation équilibrée ? Les tourments de Julie traversent tout le film malgré le bonheur qu’apportent les deux rencontres amoureuses sincères qui marquent sa vie. Sa psyché est mise en image dans une scène mémorable. Après avoir consommé des champignons hallucinogènes, Julie bascule dans un bad trip. Joachim Trier filme alors les angoisses de la jeune femme (la peur de devenir mère, la peur de vieillir), met en avant son ressentiment à l’égard d’un père distant qui ne lui a pas assez donné d’amour. La magnifique interprétation de Renate Reinsve, justement récompensée à Cannes, est très émouvante. Julie est un personnage qu’on n’oublie pas.