Séjour dans les Monts Fuchun

Film de Gu Xiaogang

Avec Qian Youfa, Wang Fengjuan, Sun Zhangjian

Date de sortie en France: 1er janvier 2020

La famille est le thème universel choisi par le très talentueux Gu Xiaogang pour son premier film intitulé « Séjour dans les Monts Fuchun ». Dans la famille des héros de ce film apparaissent des difficultés et des questionnements auxquels il faut faire face: la maladie de l’aïeul qui crée une situation de dépendance, les conflits entre frères, l’entrée dans l’âge adulte des enfants devenus grands… Le spectateur ressent ainsi une grande proximité pour tous les personnages confrontés, quelque soit leur âge ou leur place dans la famille, aux difficultés de l’existence.

Le film est aussi politique quand il montre à quel point la société chinoise s’est occidentalisée. Il est question de maison de retraite pour la grand-mère diminuée, alors que la tradition voudrait qu’elle reste auprès de l’un de ses fils, au nombre de quatre. De même, le mariage de la fille de l’aîné de la famille pose problème car elle refuse de se plier au refus de sa mère de la voir s’unir avec un enseignant, aux ressources financières jugées trop faibles. Le poids de la tradition, le désir d’émancipation, la volonté d’indépendance des jeunes générations, autant de thèmes abordés avec beaucoup de finesse.

Comme dans toutes les familles, les conflits existent. L’un des quatre frères est un escroc, il gagne son argent de façon illégale et ses inconséquences ont des répercussions graves. A l’instar de sa nièce dont il est proche, il est en rupture. Il s’éloigne un temps avec son fils handicapé. Mais l’amour est là qui rend la réconciliation possible.

Le film est marquant par sa maîtrise formelle. De longs et impressionnants plans-séquences subliment la nature toujours présente dans ce coin de Chine malgré l’urbanisation et la modernisation de l’habitat. Les saisons défilent, le temps passe de façon inexorable. Ces plans d’une grande beauté resteront longtemps dans la mémoire du spectateur.

So Long, My son

Film de Wang Xiaoshuai

Avec Yong Mei, Wang Jing-Chun, Qi Xi

Date de sortie en France : 3 juillet 2019

La survie. C’est ce qu’incarnent de façon prodigieuse les deux acteurs du film « So Long, My son », Yong Mei et Wang Jing-Chun, très justement récompensés lors du dernier Festival de Berlin. Ils forment un couple (Liyun et Yaojun) frappé par un drame, la mort accidentelle de leur fils parti jouer avec un ami près d’un barrage. Leur regard, leur corps, leur voix : tout exprime chez eux la douleur infinie, le manque et la tentative de vivre encore malgré la perte. Le film a l’ampleur d’une fresque, les différentes époques de la vie du couple (avant le drame, après) se mélangent dans une mise scène brillante qui rend aussi compte des transformations d’un pays qui se modernise à grande vitesse et s’adapte aux lois du marché mondial. Car au delà du récit intime, c’est trente années d’histoire contemporaine de la Chine qui sont évoquées au travers notamment de la mise en place, à la fin des années 70, de la politique de l’enfant unique (et de son corollaire, les avortements forcés), politique qui pèse de tout son poids sur les familles. La liberté individuelle a peu de place, le contrôle social très présent. Dans ce contexte, le deuil d’un enfant unique est vécu d’une façon singulière car à quoi se raccrocher pour continuer à espérer dans le futur? A ce titre, le personnage du fils adoptif est passionnant. Peu de choses sont expliquées sur les conditions d’adoption de ce garçon par les parents endeuillés. Ils lui donnent le prénom de leur fils disparu, comme une tentative d’effacer l’épreuve qu’ils ont traversée. Mais les relations sont difficiles et une nouvelle séparation a lieu, très douloureuse… Le film explore aussi le thème de la culpabilité et montre qu’oser prendre la parole et se libérer de secrets trop longtemps enfouis est indispensable pour continuer à vivre. L’émotion est immense, le regard de ces parents restera longtemps dans la mémoire des spectateurs.