Ecrits sur le théâtre : Antoine Vitez, Peter Brook

Antoine Vitez et Peter Brook sont deux grands hommes de théâtre. Ils ont dédié leur vie à leur art et ont laissé une trace de leurs réflexions sur le jeu, la mise en scène dans plusieurs ouvrages. Leurs « écrits sur le théâtre » sont de véritables mines d’or pour les passionnés.

Antoine Vitez (1930-1990) est un acteur, un metteur en scène mais aussi un pédagogue qui très vite a souhaité transmettre. Il enseigne à l’école Jacques Lecoq, au théâtre des quartiers d’Ivry, au conservatoire national de Paris et tient une sorte de journal de bord de son travail. Ce journal témoigne d’une constante préoccupation, celle de trouver la meilleure manière de diriger les acteurs. La « méthode Stanislavski » est une grande source d’inspiration mais il sait aussi s’en détacher et avoir un regard critique. Pour Vitez, l’acteur doit avant tout être conscient du « jeu de leurres qu’il propose » . Le jeu théâtral est un art véritable. L’acteur est un artiste-créateur quand il sait être inventif, outrecuidant, quand il n’a pas peur de la démesure. Jouer, c’est être libre et l’acteur impliqué est celui qui dédie sa vie à cette quête de libération. Le maître (ou le metteur en scène) est celui qui accouche, qui indique une direction, sans imposer.

Les réflexions de Peter Brook dans « L’espace vide » (paru en 1977) tournent autour des mêmes thématiques. Le texte se veut plus théorique car l’auteur est en quête d’une définition du théâtre. Il distingue quatre familles : le théâtre rasoir, le théâtre sacré, le théâtre brut, le théâtre immédiat. Par ailleurs, son texte est nourri de nombreuses anecdotes personnelles car tout au long de sa carrière, jalonnée de succès et d’échecs, Peter Brook a expérimenté des formes théâtrales très variées. Cela rend son propos très concret. Il est passionné par le jeu, par la relation entre l’acteur et le metteur scène. Comme Vitez, il conçoit le jeu théâtral comme un véritable art, très difficile car reposant sur une remise en question permanente. Les techniques de base du jeu sont indispensables (et souvent, selon l’auteur, elles ne sont pas maitrisées) mais elles ne sont pas suffisantes car « un acteur créateur sera parfaitement capable de se défaire, le soir de la première, de ce que son travail préalable lui aura apporté de plus solide, parce qu’à l’approche de la représentation, un projecteur puissant, braqué sur sa création, lui en montre la pitoyable insuffisance » . Pour Peter Brook, un acteur doit savoir atteindre une forme de détachement et c’est la rencontre avec le public qui est déterminante. Sans cette rencontre, pleine de surprise et potentiellement décevante, un objet théâtral n’est pas achevé. Il a cette belle formule : « Le théâtre est semblable à une réaction chimique. Lorsque le spectacle est terminé, que reste t-il ? (…) Lorsque les émotions et le sujet d’un spectacle sont liés au plaisir du public de voir plus clair en lui-même, c’est alors que l’esprit s’enflamme. Restent gravés dans la mémoire du spectateur un schéma, une saveur, une ombre, une odeur, une image » . La beauté du geste théâtral tient sans doute à cette rencontre à chaque fois renouvelée et au fait qu’il est cet art fragile et éphémère mais aussi puissant.