Le pin, les moineaux, et toi et moi. Nouvelles inédites. Katherine Mansfield

Les Editions du Chemin de fer

Date de parution : 2020

Dans l’histoire de la littérature anglo-saxonne, Katherine Mansfield est une figure à part. Née en 1888 à Wellington, dans la lointaine Nouvelle-Zélande, elle se fait un nom aux côtés d’illustres écrivains de son époque tels Virginia Woolf, James Joyce, T.S Eliot. Elle est l’une des plus grandes nouvellistes de langue anglaise. « Bliss », « The Garden Party and other stories » sont des recueils qui font sa renommée. Elle meurt très jeune, à 35 ans, en France.

Le présent recueil réunit un ensemble de trente-deux nouvelles inédites en français. Les éditions du chemin de fer réalisent un très beau travail en publiant cet ouvrage. On plonge avec délices dans ces nouvelles, parfois très courtes (une page ou deux parfois), écrites dans la première partie de sa carrière d’auteure. Un soin particulier a été apporté à la mise en page qui inclut de nombreuses photographies. La postface est passionnante : Annie Besnault, grande spécialiste de l’oeuvre de Katherine Mansfield, souligne la richesse de son travail stylistique, évoque la grande variété d’influences dont elle s’est nourrie (Shakespeare, Dickens, Ibsen, Maeterlink…). Elle analyse les grands thèmes chers à la nouvelliste : le voyage, la solitude, l’apprentissage du désir, les affres du mariage bourgeois, l’exclusion sociale. Elle décrit en ces termes l’écriture mansfieldienne : « La prose de Katherine Mansfield est tantôt poétique, tantôt théâtrale, tantôt lyrique, tantôt pleinement satirique ; elle multiplie les registres et les tonalités, mélangent les emprunts à l’histoire littéraire. Lire une nouvelle de Katherine Mansfield, c’est avant tout entrer dans un monde kaléidoscopique dont les limites ne sont pas le signe d’une vision restreinte du réel (…) ».

J’ai évoqué l’intérêt que je porte à cette auteure dans un précédent article. La lecture de nouvelles est un plaisir dont je ne me prive pas quand il est servi par autant de finesse.

Mariage à la mode, La Baie : deux nouvelles de Katherine Mansfield

Dans son journal, Charles Juliet évoque très souvent les écrivains qui ont marqué sa vie de lecteur, qui ont su le toucher profondément, dont les écrits ont laissé une trace indélébile dans sa mémoire. Camus, Beckett, Duras, Kazantzaki et tant d’autres font partie de ce panthéon intime. Dans le huitième tome de ce journal intitulé Au pays du long nuage blanc, consacré à son voyage en Nouvelle-Zélande entre août 2003 et janvier 2004, il évoque la figure de Katherine Mansfield. Il en parle, dès les premières pages, avec beaucoup d’émotion, de tendresse. Il narre en quelques mots les impressions que lui procure la visite de la maison natale de l’auteure à Wellington et cite des extraits de quelques unes de ses lettres qui le touchent en plein cœur :

C’est seulement en étant fidèle à la vie que je puis être fidèle à l’art. Et fidélité à la vie signifie bonté, sincérité, simplicité, probité.

Pourquoi faut-il aimer ? On ne sait, c’est un mystère. Mais l’amour est comme une lumière. Je ne puis avoir une vue nette des choses que dans ses rayons.

Charles Juliet écrit lui-même une lettre à cette femme dont la vie et l’œuvre l’émeuvent particulièrement. En la tutoyant, il évoque le douloureux combat qu’elle a du mener contre la tuberculose. Katherine Mansfield meurt en effet à 34 ans en France loin des siens et de son pays, en 1923. Jusqu’au bout, malgré les souffrances, elle reste passionnée par l’écriture et par la vie. Elle laisse à la postérité des recueils de nouvelles, des notes de journal, une correspondance. J’ai eu envie d’aller découvrir cette œuvre qui m’était inconnue. J’ai commencé par deux nouvelles publiées chez Folio : Mariage à la mode et La Baie. J’y ai découvert un sens aigu du portrait, des personnages finement dépeints mais qui gardent une part de mystère, une grande liberté dans la construction du récit. Je souhaite poursuivre la découverte de l’œuvre de cette femme de lettres dont Virginia Woolf vantait le talent en ces termes : « Je ne voulais pas me l’avouer, mais j’étais jalouse de son écriture, la seule écriture dont j’aie jamais été jalouse. Elle avait la vibration. »