Derniers coups de ❤️ …

Roman, nouvelles, essai, expo : envie de partager quelques découvertes enthousiasmantes faites récemment…

« Les Hauts de Hurle-vent » (« Wuthering heights ») d’Emily Brontë est une lecture qui secoue. Les personnages de ce roman sont inoubliables. Leurs sentiments sont exacerbés ; tous, pratiquement, frôlent la folie. Une grande violence parcourt le livre de bout en bout. On pense aux tragédies shakespeariennes, à leur lyrisme, à leur noirceur.

Les nouvelles et contes de l’écrivain argentin Julio Cortázar sont une autre très belle découverte. La collection Quarto chez Gallimard permet de plonger dans l’oeuvre foisonnante de cet auteur. Elle s’inscrit dans une tradition, celle du réalisme magique. Ses histoires sont inquiétantes, mystérieuses, pleine d’invention, magnifiquement construites.

Le livre de Jean-Christophe Bailly, malicieusement intitulé « Paris quand même » est un régal. L’auteur partage sa vision de la capitale, ville qu’il adore par dessus tout. Il promène le lecteur dans les quartiers qu’il connaît bien, parfois méconnus du grand public, constate les évolutions récentes en terme d’architecture, d’aménagement… Quelques coups de griffes parsèment le livre (à l’encontre de la mairie, d’hommes d’affaires connus qui s’accaparent le patrimoine) mais cet essai très personnel est surtout, à mes yeux, une déclaration d’amour érudite et passionnée qui permet de voir Paris sous un autre oeil.

Christian Bobin est un auteur qu’il faut lire et relire. « Ressusciter » contient la dose habituelle de petits miracles littéraires. Par des mots simples, Bobin touche en plein coeur car il fait inlassablement l’éloge de la beauté, de la poésie, du dépouillement… Etre attentif aux choses, aux autres, se débarrasser du superflu pour s’ouvrir à la vie véritable. Ses livres sont courts mais tellement remplis !

Une très belle exposition a lieu en ce moment à la Maison Européenne de la Photographie (jusqu’au 21 mai 2023). Elle est consacrée à la photographe sud-africaine Zanele Muholi. Militante, elle réalise depuis des années de nombreux clichés qui documentent la vie des personnes noires et LGBTQIA+ de son pays. La rétrospective est passionnante.

Audiard, Corsini, Trier

Les Olympiades, film de Jacques Audiard

La Fracture, film de Catherine Corsini

Julie en 12 chapitres, film de Joachim Trier

Trois formidables films ont retenu mon attention ces dernières semaines. Trois films très différents, tant sur le fond que sur la forme, qui délivrent chacun à leur manière un message original. Ils décrivent notre époque de façon intelligente, cette époque marquée par un certain désenchantement, une forme subtile de mélancolie.

« Les Olympiades« est un objet cinématographique d’une grande élégance. Dans ce nouveau film, Jacques Audiard propose un très beau noir et blanc qui sublime les trois personnages principaux interprétés par de jeunes acteurs de grand talent. Julie Zhang, Noémie Merland et Makita Samba crèvent l’écran. Nous sommes à Paris dans le 13ème arrondissement, quartier des Olympiades à l’architecture si particulière. Rencontre, amour, désamour, changement de vie… Les personnages se cherchent, se trompent, apprennent de leurs erreurs… Ils apprennent surtout à aimer malgré la dureté d’une époque qui donne de plus en plus de place aux rencontres sur Internet. Le film est plein de charme et aborde de façon subtile un tas de sujets très intéressants (le harcèlement, l’affirmation de soi, la place des enseignants dans la société…).

« La Fracture » nous parle aussi de façon très forte de la France d’aujourd’hui. L’hôpital est le personnage principal et il ne se porte pas bien. S’y rencontrent les différentes couches de la société. Le personnel soignant, débordé par la charge de travail, tente de faire au mieux pour s’occuper de tous les patients alors même que les blessés affluent du fait des violences policières qui émaillent une manifestation de Gilets Jaunes. Le ton choisi par Catherine Corsini est résolument celui du pamphlet voire de la farce. Bourgeois et prolos se retrouvent face à face et cela fait des étincelles. C’est très drôle et en même temps tragique. Valeria Bruni Tedeschi, en pleine crise de couple car quittée par sa compagne interprétée par Marina Foïs, est irrésistible dans ses exagérations et dans le mépris de classe qu’elle exprime sans vergogne. Elle se retrouve coincée sur un brancard en compagnie d’un Pio Marmaï au bout du rouleau, chauffeur de poids lourd et gilet jaune. L’incompréhension entre ces personnages issus d’univers sociaux opposés est abyssale. La réalisatrice montre, en forçant le trait, à quel point les fractures de la société française sont aujourd’hui loin d’être résolues.

« Julie en 12 chapitres » de Joachim Trier est un film d’une grande originalité et d’une grande sensibilité Le réalisateur norvégien invente le personnage de Julie et nous raconte son entrée dans l’âge adulte et sa vie de jeune femme, en douze chapitres. Qui est Julie ? Difficile à dire car c’est un personnage ambivalent, insatisfait, en recherche permanente d’un idéal, mélancolique. Elle aime et est aimée, mais est-elle comblée ? Parvient-elle à savourer pleinement la joie d’une relation équilibrée ? Les tourments de Julie traversent tout le film malgré le bonheur qu’apportent les deux rencontres amoureuses sincères qui marquent sa vie. Sa psyché est mise en image dans une scène mémorable. Après avoir consommé des champignons hallucinogènes, Julie bascule dans un bad trip. Joachim Trier filme alors les angoisses de la jeune femme (la peur de devenir mère, la peur de vieillir), met en avant son ressentiment à l’égard d’un père distant qui ne lui a pas assez donné d’amour. La magnifique interprétation de Renate Reinsve, justement récompensée à Cannes, est très émouvante. Julie est un personnage qu’on n’oublie pas.

Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école, 1905-1940

Exposition au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme

Du 17 juin au 31 octobre 2021

Début du XXème siècle. Paris est une capitale attrayante pour les jeunes artistes de toutes nationalités qui souhaitent se former, affirmer leur talent, faire les rencontres peut-être décisives… Dès le début de l’exposition intitulée « Chagall, Modigliani, Soutine… Paris pour école », une carte animée accueille les visiteurs et montre à quel point la capitale française fut un aimant. De lointaines contrées d’Europe de l’Est, de petites villes perdues des Empires Austro-Hongrois ou Russe, toute une génération d’artistes fait le voyage vers la France.

Sonia Delaunay – Philomène – 1907

Ces artistes trouvent à Paris la liberté dont ils ont besoin pour créer. Montmartre puis Montparnasse bouillonnent. Peintres, sculpteurs, poètes se côtoient. Naissent alors des avant-gardes artistiques aux frontières perméables : fauves, cubistes, abstraits,… L’exposition rend très bien compte de cette porosité entre les divers champs artistiques. Cendrars, Appolinaire sont cités aux côtés d’une foule d’artistes moins connus aujourd’hui mais dont les oeuvres sont magnifiquement mises en valeur. Ce sont celles de Jules Pascin, Rudolf Levy, Béla Czobel, Léopold Gottlieb, Mela Muter, Lou Albert-Lasard, Jacques Lipchitz, Georges Kars… Les cafés parisiens sont les espaces de sociabilité qui permettent les rencontres. Fondée en 1902 dans le 15ème arrondissement, la Ruche devient un lieu central et mythique. Elle propose des loyers modiques aux artistes en devenir. Chagall et Soutine y séjournent.

Lou Albert-Lasard – Dancing
Georges Kars – Autoportrait – 1929

Cette première partie du XXème siècle est marquée par des événements majeurs : la première Guerre Mondiale et ses horreurs, la liberté retrouvée des années folles, la montée en puissance du nazisme en Allemagne… Pour les artistes juifs et étrangers, ce contexte a une influence certaine. C’est aussi le temps de la reconnaissance car le marché de l’art s’intéresse de plus en plus aux peintres de l’avant-garde. Soutine reçoit ainsi le soutien d’un riche collectionneur d’art américain Albert C. Barnes. Quant à Chagall, il retourne un temps en Russie et, au lendemain de la Révolution bolchévique, dirige une école et devient commissaire aux beaux-arts.

Marc Chagall – Le salut – 1914

Paris est, dans ces années, un foyer de création cosmopolite où la tolérance est de mise. Les jeunes artistes juifs aux origines si diverses (russe, ukrainienne, polonaise, italienne, hongroise…) s’émancipent et créent sans contraintes. Modigliani s’oriente, par exemple, au fil des années vers le portrait et laisse à la postérité plusieurs chefs d’oeuvre. Les trente cinq années, choisies comme jalons de cette très belle exposition, sont majeures dans l’histoire de l’art en France.

Chaïm Soutine – Portrait du sculpteur Oscar – 1924

Paris romantique, 1815-1848

Portrait d’Eugène Sue par François-Gabriel Lépaule (1835)

Paris romantique, 1815-1848

Exposition au Petit Palais du 22 mai 2019 au 15 septembre 2019

Hector Berlioz, Paul de Kock, George Sand, Eugène Delacroix, Victor Hugo, Charles Nodier, Honoré Daumier, Eugène Sue… Tous ces noms célèbres ont marqué la première partie du XIXème siècle. L’exposition « Paris romantique, 1815-1848 » évoque ce foisonnement artistique intense en proposant au visiteur une déambulation dans différents quartiers emblématiques de la capitale.

C’est une période de bouleversements politiques: la fin de l’Empire, la Restauration de la Monarchie, les révolutions de 1830 et de 1848. Paris est au cœur des événements et jouit d’un prestige considérable. La vie artistique se déploie dans les salons littéraires, dans les cafés, dans les théâtres. Huit quartiers ou monuments de ce Paris romantique font l’objet d’une attention particulière : Le Palais des Tuileries, Le Palais Royal, Le Louvre (et son célèbre Salon), Notre-Dame, le Quartier Latin, la Chaussée d’Antin et la Nouvelle Athènes, Les Grands Boulevards. D’une salle à l’autre, le visiteur est frappé par la richesse et la diversité de la production artistique de l’époque. La partie consacrée au Palais Royal est particulièrement intéressante. Ce lieu est véritablement l’épicentre de la vie parisienne. C’est un lieu de sociabilité très couru où l’on vient se restaurer dans les premiers cafés et restaurants célèbres (Véfour, Véry). C’est aussi un lieu de perdition voué au jeu et à la prostitution. L’exposition en propose une reconstitution ludique en récréant les devantures de différentes boutiques où l’on venait acheter le dernier vêtement ou accessoire à la mode (canne, chapeau, gilet…). La figure du dandy parisien y est mise en valeur. On découvre par exemple le portrait du jeune Eugène Sue par Gabriel Lépaule. Avant de devenir le célèbre auteur des Mystères de Paris, il mène une vie excentrique et dispendieuse dans ses jeunes années.

Autre lieu emblématique de ces années: Le Louvre et son célèbre Salon. Le Salon est, depuis le XVIIème siècle, un événement majeur de la vie artistique parisienne où sont exposées les œuvres d’art contemporain. C’est là qu’émergent des figures importantes du mouvement romantique français: Chasseriau, Géricault, Nanteuil, Coignet, Cibot, Delaroche,… Parmi les œuvres importantes exposées on retient notamment le « Roland furieux » de Du Seigneur ou « Les convulsionnaires de Tanger » de Delacroix.

Le visiteur est invité à visiter le quartier de Notre Dame. Le goût de l’époque médiévale est une caractéristique de cette époque . Victor Hugo y contribue en publiant son roman le plus célèbre « Notre Dame de Paris » dont les personnages célèbres marquent durablement la mémoire. Les théâtres parisiens sont aussi mis à l’honneur: l’Ambigu-Comique, le Théâtre Funambule, le théâtre des Délassements-Comiques… L’agitation est permanente sur le « boulevard du Crime », nom donné au XIXème siècle au boulevard du Temple. Les tableaux d’actrices célèbres (Mademoiselle Mars) ou des demi-mondaines et courtisanes en vue à l’époque (Olympe Pellisier, Marie Duplessis) contribuent aussi à rendre familier cette époque passionnante.