Despentes, Haenel, Adimi, Rosenthal

Quatre romans ont marqué ma rentrée : une petite déception, un coup de coeur, une belle découverte et un énorme coup de coeur…

J’avais hâte de découvrir « Cher connard » , le nouveau roman de Virginie Despentes. Après la brillante trilogie « Vernon Subutex », on retrouve le style inimitable de l’auteure (nerveux, provocateur) et un regard fin et nuancé sur les travers de notre époque. Où en sont les relations homme-femme en 2022 ? Qu’est ce que le féminisme aujourd’hui ? Le roman apporte pas mal de réponses. Rien de caricatural dans le portrait que donne Despentes d’Oscar, un homme accusé de harcèlement par une jeune femme appelée Zoé, qui elle, choisit de parler de ce qui lui est arrivé sur Internet. Les personnages avancent, réfléchissent à leurs actes… C’est intéressant. J’ai aimé ce livre sans être totalement convaincu. Despentes a évidemment du talent mais j’aurais aimé être davantage surpris.

« Le Trésorier-payeur » de Yannick Haenel est un bijou. J’ai lu ce livre avec énormément de plaisir car l’auteur nous offre une histoire surprenante (voire improbable), truffée de références littéraires et philosophiques. Le style est superbe. Quel bonheur de lire un roman si bien écrit et si profond sur tout un tas de sujets (le sens de la vie, l’amour, le sexe…). L’auteur brouille les pistes, sait mettre la bonne dose d’humour et d’ironie afin de ne pas alourdir son propos. Ce personnage de banquier anarchiste est vraiment marquant ! Un extrait : « Chacun mène comme il le peut le mystère de sa propre existence ; notre blessure s’apaise ou s’infecte, selon la manière dont nous considérons notre âme. Mais il arrive un moment où chacun de nous parvient à se cacher non plus dans l’obscurité, mais dans la lumière, et il ne faut pas rater ce rendez-vous.« 

« Au vent mauvais » est un roman émouvant. Kaouther Adimi nous parle successivement, avec des ellipses, de l’Algérie du temps de la colonisation, de l’Algérie du temps de la guerre et de l’Algérie du temps de l’indépendance. Ses héros s’appellent Tarek, Leïla, Saïd. Ils grandissent dans un petit village loin de tout, insouciants. Les trajectoires vont toutefois être radicalement différentes pour les uns et pour les autres. Saïd est envoyé par ses parents en Tunisie où il fait de brillantes études. Il deviendra un écrivain de renom. Tarek, lui, est berger. Il reste fidèle à sa terre d’origine et tombe amoureux de Leïla. Cette dernière, mariée de force très jeune, fait le choix courageux de briser les us et coutumes en décidant de retrouver sa liberté. Elle en subira douloureusement les conséquences… Le roman se concentre sur le destin étonnant de Tarek. Après la guerre et l’indépendance, il va en France pour gagner de l’argent et nourrir sa famille. Malgré la dureté de la vie en foyer Sonacotra, il apprécie, par certains côtés, cette vie solitaire loin de son Algérie natale. Kaouther Adimi évoque avec une grande justesse cette génération d’hommes, souvent taiseux, marqués par les souvenirs douloureux de l’époque coloniale et de la guerre.

« Un singe à ma fenêtre » d’Olivia Rosenthal est le livre qui m’a le plus marqué en cette rentrée littéraire. C’est un énorme coup de coeur ! Quel livre étonnant. La narratrice se rend au Japon pour enquêter sur le souvenir traumatique de l’attentat au gaz sarin qui a eu lieu dans le métro de Tokyo en 1995. Plus de 25 ans après les faits, elle interroge un nombre considérable de personnes. Quelles traces a laissé cet événement dans la mémoire collective ? Dans la mémoire de chacun ? La télévision avait, à l’époque, produit des images qui ont marqué les esprits. Certains témoins évoquent une forme d’indifférence, d’autres se souviennent d’avoir connu des membres de la secte Aum dont le fondateur a commandité l’attentat. Ils se rappellent à quel point le discours apocalyptique tenu par cette organisation avait fait de nombreux adeptes. La narratrice évoque, en creux, une société japonaises travaillée par ses névroses, dans laquelle il est très difficile d’oser dire les choses, d’affronter le réel. Tout au long du livre, de nombreuses questions sans réponses sont posées. Le lecteur est invité, lui aussi, à s’interroger sur les notions de secret, de non-dit, sur les thèmes de l’absence et de la disparition. C’est, au final, bouleversant.

Rentrée littéraire 2022 : premiers repérages !

Quelques titres de romans de la rentrée littéraire, repérés ici et là, m’intriguent. J’ai envie de les découvrir, en espérant être charmé et surpris (si j’ai le temps de les lire !) :

J’aimerais tout d’abord évoquer quatre auteurs que je ne connais pas encore : Gaëlle Josse, Caleb Azumah Nelson, Alexis Ragougneau, Mathieu Belezi :

-Dans « La nuit des pères« , Gaëlle Josse aborde le thème de la relation père-fille. Isabelle rejoint son frère Olivier dans le village des Alpes qui les a vus naître. La santé de leur père est déclinante. Après de nombreuses années sans se voir ni se parler, c’est peut-être la dernière chance pour Isabelle de comprendre ce père si peu aimant. Les souffrances tues pendant des années pourront-elles enfin être exprimées ?

-« Open water » est un premier roman. A Londres, deux jeunes gens tentent de vivre de leur passion : lui veut percer dans la photographie, elle est déjà danseuse. Ils sont noirs et doivent composer avec un racisme insidieux. Je pense à Zadie Smith ou à Chimamanda Ngozy Adichie, deux auteures que j’aime beaucoup…

-« Palimpseste » d’Alexis Ragougneau est une dystopie. Selon l’éditeur, le livre « est un hommage vibrant au pouvoir de la littérature et à l’audace de la création. ». Cela donne très envie.

-« Attaquer la terre et le soleil » est un très beau titre. Il s’agit du nouveau roman de Mathieu Belezi. Il y est question de la colonisation de l’Algérie. C’est le sujet de prédilection de cet auteur qui a déjà publié plusieurs romans sur cette page d’Histoire qu’il me semble important de mieux connaître.

Deux autres écrivains retiennent aussi mon attention. Ils font partie du paysage littéraire depuis de nombreuses années et je suis curieux de découvrir leur nouvelle création :

-J’ai dévoré avec beaucoup de plaisir les trois tomes de « Vernon Subutex ». Il me tarde donc de découvrir le nouveau roman de Virginie Despentes intitulé « Cher connard » . J’admire le talent de cette autrice unique en son genre… J’espère être convaincu une nouvelle fois.

-Yannick Haenel est un auteur lui aussi très intéressant, au style remarquable. J’avais adoré son « Jan Karski » (un peu moins « Tiens ferme ta couronne » ). « Le Trésorier-payeur » est le titre du roman qu’il publie en cette rentrée littéraire 2022. Le héros s’appelle Georges Bataille. Il est banquier et secrètement anarchiste. En lui, quelque chose d’irréductible qui le pousse vers une forme d’absolu…

Et vous, vos envies, vos attentes… ?

Tentations de la rentrée littéraire 2021

C’est un grand plaisir chaque année, à l’approche du mois de septembre, de découvrir quels sont les livres que les maisons d’édition françaises mettent en avant pour la sacro-sainte rentrée littéraire. Romans français ou étrangers, le choix est très vaste. Grâce à la blogosphère et à la presse spécialisée, je me fais une petite sélection d’ouvrages que j’aurais le temps (ou non) de lire au cours des mois à venir. Voici une liste très personnelle de romans qui attirent mon attention :

« Les étoiles plus que filantes » de Estelle-Sarah Bulle aux éditions Liana Levi

Une histoire qui parle du tournage du film « Orfeu Negro » au Brésil… Cinéma et littérature, un beau mélange. Le précédent ouvrage de l’auteure « Là où les chiens aboient par la queue » a été salué par la critique et le public.

« Le rire des déesses » de Ananda Devi aux éditions Grasset

L’Inde est un pays qui me fascine et je suis très curieux de découvrir cette histoire qui aborde notamment deux sujets : la place des prostituées dans la société indienne et la transexualité.

« La porte du voyage sans retour » de David Diop aux éditions du Seuil

David Diop est un auteur que je souhaite découvrir. Il aborde dans ce roman le thème de la traite négrière, sujet historique passionnant.

« Memorial Drive » de Natasha Trethewey aux éditions de L’Olivier

Je lis beaucoup de bien de ce livre qui aborde un sujet très dur, celui des féminicides. Natasha Trethewey parle de son expérience personnelle puisque sa propre mère est morte assassinée par son compagnon.

« Les garçons de la cité-jardin » de Dan Nisand aux éditions Les Avrils

Un titre suffit parfois à donner envie de lire un livre. « Les garçons de la cité-jardin » est un premier roman.

« Plasmas » de Céline Minard aux éditions Rivages

« Plasmas » est un titre énigmatique. J’ai envie d’aller voir ce que recèle ce court roman de Céline Minard que je vais lire pour la première fois.

« Mon maître et mon vainqueur » de François-Henri Désérable aux éditions Gallimard

Encore un auteur français que je souhaite découvrir. Et une histoire d’amour, cela ne se refuse pas.

« Le cercueil de Job » de Lance Weller aux éditions Gallmeister

Mon goût pour la littérature américaine me donne très envie de découvrir ce roman dont l’histoire se déroule sur fond de Guerre de Sécession.

Au plaisir d’échanger avec vous sur vos lectures, envisagées, en cours ou déjà accomplies ! Vos conseils sont les bienvenus.